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fait une promenade avec elle, il n’y avoit que fort peu de jours. Elle n’étoit pas belle, mais il la vouloit faire passer pour un esprit admirable. Pour celle-là on assure qu’il ne la voulut point voir. Mademoiselle Paulet disoit qu’il étoit mort comme le grand-seigneur entre les bras de ses sultanes. J’ai déjà dit qu’elle fit dire des messes pour lui, mais qu’elle ne lui pardonna point. Je l’ai vue en colère de ce que mademoiselle de Rambouillet disoit trop de bien de Voiture : « Je croyois, disoit-elle, qu’il falloit prier Dieu pour son âme, mais je vois bien qu’il n’y a plus qu’à le canoniser. »

Sarrasin fit la Pompe funèbre, qui, quoique languissante en bien des endroits, est pourtant la meilleure chose qu’il ait faite. Il a volé à Voiture même, dans la lettre à M. de Coligny, toute l’invention de ces amours différents[1]. On voit assez la malignité de l’auteur,

  1. Voyez l’Épître à M. de Coligny, pag. 101 de la deuxième partie des Œuvres de Voiture, édition de 1660. C’est une de ses plus jolies pièces ; nous en citerons quelques vers tirés du passage indiqué par Tallemant :

    Au bruit du célèbre hyménée,
    Pour être à la grande journée,
    Là se rendent à grand concours
    Tout ce que le monde a d’Amours.
    De tous les endroits de la terre,
    D’Irlande, d’Écosse, d’Angleterre,
    Du pays des Italiens,
    De celui des Siciliens.......
    Même il en vint d’Éthiopie,
    Noirs comme petits ramoneurs,
    Et ces noirs-là sont les meilleurs.
    Il en arriva trois volées
    Des Marches les plus reculées
    Du cap Vert. Ceux-là sont petis,