Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne prenoit pas autrement Voiture pour un gladiateur, lui alla conter à lui-même, comme une fable, qu’on lui avoit dit qu’il s’étoit battu contre La Coste ; qu’il avoit mis sa perruque sur un arbre, peut-être avoit-il été malade, et ensuite tout le succès qui ne fut pas fort sanglant, et il se trouva que tout cela étoit vrai[1]. Le troisième combat fut à Bruxelles contre un Espagnol au clair de la lune[2] ; et le quatrième et dernier fut dans le jardin de l’hôtel de Rambouillet, aux flambeaux, contre Chavaroche, intendant de la maison. Leur querelle venoit de l’aversion qu’ils avoient l’un pour l’autre du temps qu’il y avoit trois sœurs à l’hôtel de Rambouillet qui étoient honnêtement coquettes. Chavaroche avoit déjà été amoureux, comme je l’ai marqué ailleurs, de madame de Montausier, quand elle étoit fille. Cela ne servit pas à les remettre bien ensemble ; mais ce qui les brouilla tout-à-fait, ce fut que Voiture, qui n’avoit garde de laisser une fille sans la cajoler, surtout étant jeune et de qualité, s’étoit mis à en conter à mademoiselle de Rambouillet, dès qu’elle étoit sortie de religion. Chavaroche, ou en tenoit un peu aussi, ou étoit bien aise de nuire à Voiture. La demoiselle ne les faisoit pas soupirer comme sa sœur, et il y a grande apparence qu’elle avoit de la bonne volonté pour Voiture. Je les trouvois presque

  1. Voiture demanda à faire sa prière, et il la fit. (T.) — On lit au chapitre premier de la table de la grande Chronique du noble Vetturius : Du grand et horrible combat de Vetturius contre Brun de La Coste, et comme Vetturius fit sa prière au dieu Mars qui ne lui servit de rien. (Pompe funèbre de Voiture, audit lieu, p. 18.)
  2. Comme Vetturius se battoit nuit et jour ; et de l’Édit des duels qui n’étoit pas fait pour lui. (Ibid. ch. 4.)