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c’étoit pour une affaire pressée : « Eh bien ! qu’y a-t-il ? dit le comte en se frottant les yeux. — Monsieur, répond très-sérieusement Voiture, vous me fîtes l’honneur de me demander, il y a quelque temps, si j’étois marié, je vous viens dire que je le suis. — Ah ! peste ! s’écrie le comte, quelle méchanceté de m’empêcher ainsi de dormir. — Monsieur, reprit Voiture, je ne pouvois pas, à moins que d’être un ingrat, être plus long-temps marié sans vous le venir dire, après la bonté que vous aviez eue de vous informer de mes petites affaires. »

Madame de Rambouillet l’attrapa bien lui-même. Il avoit fait un sonnet dont il étoit assez content ; il le donna à madame de Rambouillet, qui le fit imprimer avec toutes les précautions de chiffres et d’autres choses, et puis le fit coudre adroitement dans un recueil de vers imprimés il y avoit assez long-temps. Voiture trouve ce livre que l’on avoit laissé exprès ouvert à cet endroit-là ; il lut plusieurs fois ce sonnet ; il dit le sien tout bas, pour voir s’il n’y avoit pas quelque différence ; enfin cela le brouilla tellement qu’il crut avoir lu ce sonnet autrefois, et qu’au lieu de le produire, il n’avoit fait que s’en ressouvenir ; on le désabusa enfin quand on en eut assez ri.

Le marquis de Pisani[1] et lui étoient toujours ensemble, ils s’aimoient fort ; ils avoient les mêmes inclinations ; et quand ils vouloient dire : Nous ne faisons point cela, nous autres ; ils disoient : Cela n’est point de notre corps. Ils faisoient tous les jours quelques malices à quelqu’un ; c’étoit un tintamare perpé-

  1. Fils du marquis de Rambouillet.