Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Valette et qu’il étoit son confident : cependant, comme le cardinal vouloit souvent faire l’enjoué, quoiqu’il n’y réussît pas, Voiture lui disoit tout bonnement ce qu’il lui en sembloit, et quelquefois devant des témoins. Le maréchal d’Albret, qu’on appeloit alors Miossens, a été long-temps qu’il ne savoit ce qu’il disoit : c’étoit un véritable galimatias ; on n’entendoit pas ce qu’il vouloit dire, encore qu’il eût de l’esprit. Il ne s’en est guère corrigé. Un jour qu’il y avoit un grand rond[1] à l’hôtel de Rambouillet, Miossens parla un quart-d’heure de son style ordinaire : Voiture lui va rompre en visière. « Je me donne au diable, lui dit-il, si j’ai entendu un mot de tout ce que vous venez de dire. Parlerez-vous toujours comme cela ? » Miossens ne s’en fâcha pas, et lui dit seulement : « Hé, monsieur, monsieur de Voiture, épargnez un peu vos amis. — Ma foi, reprit Voiture, il y a si long-temps que je vous épargne, que je commence à m’en ennuyer. »

Il en usoit à peu près de même avec feu M. de Schomberg, qui, quoiqu’il eût bien de l’esprit et qu’il écrivît bien, avoit pourtant une conversation assez pesante. Il l’en railloit toutes les fois que cela venoit à propos, et l’autre n’en faisoit que rire.

On voit dans les vers à la Reine, Je pensois, etc., qu’il ne l’épargnoit pas elle-même, car il lui dit tout franc qu’elle avoit été amoureuse de Buckingam. On voit aussi comme il parle à M. le Prince dans cette réponse pour madame de Montausier.

Dans les parties qu’on faisoit à l’hôtel de Rambouillet

  1. Cercle.