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crottes tout le long du Pont-Neuf, comme s’il eût été sous un dais. Nous parlerons ailleurs de Bonelles, de sa femme et du reste.

J’ai ouï dire que quand M. de Bullion maria sa fille avec feu M. le président de Bellièvre, alors maître des requêtes[1], il y avoit cent mille écus dans le contrat ; mais comme le notaire vint à lire cent mille écus, Bullion dit : « Ajoutez d’or, monsieur le notaire. » C’étoit alors, je pense, cinquante mille écus au moins plus qu’il n’avoit promis.

Le bon homme mourut de crapule en moins de rien[2]. On m’a dit, mais je ne voudrois pas l’assurer, qu’il mourut de déplaisir pour avoir reçu un coup de pied du cardinal de Richelieu. Le feu Roi vouloit avoir cent mille livres pour quelque chose ; le cardinal lui dit que M. de Bullion étoit chargé de dépenses pressées, et que cela seroit difficile pour le présent. Bullion parla comme le cardinal vouloit. À quelque temps de là, Coquet, confident de Bullion, avertit le Roi qu’on avoit des fonds. Il fallut donner cet argent au Roi. Le cardinal crut que Bullion avoit voulu faire sa cour à ses dépens, car le feu Roi avoit dit quelque chose sur cela au cardinal qui ne lui avoit pas plu. Il lui reprocha son alliance, le malmena et le frappa. Ce n’est pas la première fois que cela lui est arrivé. Dans la colère, il donna un soufflet à Cavoye pour avoir changé un ordre. Cela est de conséquence en fait de

  1. Pompone de Bellièvre, né en 1606, mort en 1657.
  2. Cornuel ne mourut pas si commodément. Il eut le loisir d’avoir bien peur du diable, et comme il se tourmentoit comme un procureur qui se meurt, Bullion lui disoit : « Ne vous inquiétez point, tout est au Roi, et le Roi vous l’a donné. (T.)