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cessa de poursuivre après la mort de M. le comte, voyant qu’il n’y avoit plus de bénéfices à tenir. Cette femme dit que pourvu qu’on la remboursât de ses frais et qu’on lui rendît sa fille, elle étoit toute prête à se désister ; mais le clergé poursuivoit à Rome. Enfin, vers la fin de 1649, car les vieilles affaires s’en vont toujours en fumée, Croisilles sortit à sa caution juratoire, et il fut ordonné qu’il en seroit plus amplement informé. Je crois qu’on a trouvé à propos d’assoupir l’affaire. Croisilles mourut un an après de maladie[1]. Mademoiselle Paulet n’étoit plus à Paris quand il sortit de prison.

Madame de Rambouillet dit qu’elle a trouvé dans l’examen des esprits, que les gens du tempérament de Croisilles, étant prêtres, étoient sujets à se marier. Il avoit une plaisante vision : il croyoit qu’il mourroit si on le chatouilloit ; or, un jour M. Chapelain, qui gesticule comme un possédé, en lui contant quelque chose avec chaleur, gesticuloit de toute sa force. Croisilles crut qu’il le vouloit chatouiller : « Mais, monsieur, lui dit-il en se retirant, que voulez-vous faire ? » Chapelain, qui ne savoit rien de sa vision, répondoit : « Ce que je veux faire… je vous veux faire comprendre.... » Et il recommençoit de plus belle. L’autre répétoit : « Mais, monsieur, vous n’y songez pas… — Je n’y songe pas ? j’y songe fort bien ; mais c’est vous qui n’y songez pas, car… » Et là-dessus, il gesti-

  1. L’abbé de Marolles étoit fort attaché à Croisilles, qu’il avoit rencontré en 1637, à l’hôtel de Soissons. Il le défend dans ses Mémoires de la grave accusation portée contre lui. Croisilles mourut en 1651, dans un état voisin de la misère. (Mémoires de Marolles ; Paris, 1656, in-folio, pages 109 et 189.)