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qu’elle ne vouloit point pour directeur celui que sa famille lui avoit destiné ; elle en prit un autre. Elle traita mal deux de ses sœurs qu’on mit avec elle, ne fit rien de ce qu’il falloit faire pour mettre son abbaye en réputation ; en un mot, elle n’a reçu en vingt-quatre ans que quatre religieuses ; et il y avoit trois ans qu’elle étoit, avec des novices, en chambre garnie à Paris ; et il n’y avoit plus en tout que six religieuses quand on obtint un bref du pape, car l’abbaye va directement au saint Siége, par lequel il nommoit pour directeur un prêtre de grande réputation, nommé M. de Blancpignon, qui l’est déjà des Carmélites et de deux ou trois autres ordres de filles dans Paris. Il va à Yères ; elle s’y trouve, déclare qu’il est son ennemi ; cependant elle ne le connoissoit pas, et elle obtient un nouveau bref du pape qui nomme M. l’archevêque de Sens. Elle l’avoit demandé, à cause que l’hôtel d’Yères[1] touche l’hôtel de Sens, et que l’archevêque avoit voulu en avoir quelques chambres pour sa commodité. Durant l’intervalle de ces deux brefs, M. de Blancpignon avoit dit qu’à moins de faire venir d’anciennes religieuses à Yères, on n’y sauroit remettre l’ordre ; on en fit venir de Montmartre. L’abbesse d’Yères les pensa faire mourir de faim ; madame de Montmartre fut contrainte de leur envoyer de quoi vivre. Ce second bref arrivé, on instruit le pape de la surprise qu’on lui avoit faite, et que ce qu’elle avoit exposé contre M. de Blancpignon étoit faux. Le pape

  1. C’étoit une maison acquise en 1182, par Ève, troisième abbesse d’Yères ; suivant d’anciens titres, elle étoit située près de la porte de Paris. La rue des Nonaindières en a pris son nom, de l’hôtel que les nonains d’Yères y possédoient.