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à quelqu’un qui venoit de la cour : « Je vous assure qu’on a grand besoin de quelques rafraîchissements, car sans cela on mourroit bientôt ici. »

Il y eut un gentilhomme qui dit hautement qu’il n’iroit point voir M. de Montausier tandis que mademoiselle de Rambouillet y seroit, et qu’elle s’évanouissoit quand elle entendoit un méchant mot[1]. Un autre, en parlant à elle, hésita long-temps sur le mot d’avoine, avoine, avene, aveine. « Avoine, avoine, dit-il, de par tous les diables ! on ne sait comment parler céans. » Mademoiselle de Rambouillet trouva cette boutade si plaisante qu’elle l’en aima toujours depuis. Madame de Montausier, dès qu’elle voyoit arriver un gentilhomme, s’informoit de son nom et de tout le reste, et à table, ou en causant, le nommoit par son nom, lui demandoit des nouvelles de sa famille ; cela les charmoit. Sans elle Montausier n’auroit pas un gentilhomme à lui. Il rompt en visière, si l’on fait quelque malpropreté à table. Une fois, faute de siéges, car il y avoit bien des gens dans la chambre, un gentilhomme, nommé Langallerie[2], s’assit sur la table

  1. Madame de Grignan (première femme) dut bien souffrir lorsqu’elle assista, le 18 novembre 1659, à la première représentation des Précieuses ridicules, car il étoit difficile, d’après les diverses anecdotes rapportées par Tallemant, qu’elle ne s’y reconnût pas. Ménage a rendu compte de l’impression que cette pièce produisit sur lui, et il nous apprend qu’il y assistoit avec mademoiselle de Rambouillet, mariée alors à M. de Grignan, depuis un an environ. (Voyez le Menagiana, édit. de 1762, t. I, page 251.) Le passage du Menagiana est cité par tous les commentateurs de Molière ; mais on n’a pas pris garde que mademoiselle de Rambouillet et madame de Grignan, dont il y est parlé, ne font qu’une seule personne. Deux filles de madame de Rambouillet se marièrent, toutes les autres entrèrent en religion.
  2. C’étoit vraisemblablement le père de Philippe de Gentils, marquis