Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En récompense c’est un bon serviteur du Roi. Il le fit bien voir en 1652. Pour peu qu’il eût voulu donner de soupçons au cardinal quand M. le Prince étoit en Xaintonge, le cardinal l’eût fait tout ce qu’il eût voulu être. Mais il ne voulut point escroquer le bâton de maréchal de France, aussi ne l’a-t-il pu avoir quand il l’a demandé. On disoit qu’il avoit dit : « Je ne pense point au brevet[1] ; ma femme a bonnes jambes, elle se tiendra bien debout. » D’ailleurs il n’a qu’une fille[2].

Je me souviens que madame de Montausier, qui n’étoit pas jeunette, fut fort malade en accouchant. On envoya Chavaroche, qui étoit un peu amoureux d’elle il y avoit long-temps, quérir la ceinture Sainte-Marguerite à l’abbaye Saint-Germain. C’étoit en été à la pointe du jour. De chagrin qu’il avoit, on dit qu’il gronda les moines qu’il trouva encore au lit. « Il vous fait beau voir, disoit-il entre ses dents, d’être encore au lit, et madame de Montausier est en danger. » Elle eut deux fils tout de suite. L’aîné mourut à trois ans d’une chute, et l’autre pour n’avoir jamais voulu prendre une autre nourrice que la sienne qui perdit son lait. Celui-ci eût été le digne fils de son père, car il falloit qu’il fût bien têtu.

Madame de Montausier mena une fois sa sœur de Rambouillet[3] en Angoumois. M. de La Rochefou-

  1. Brevet. Le brevet de duc. Il fut fait duc et pair de France par lettres du mois d’août 1664, enregistrées au Parlement en décembre 1665.
  2. Marie-Julie de Sainte-Maure, seule héritière du duc de Montausier, épousa le duc d’Uzès, au mois d’août 1664.
  3. Angélique-Claire d’Angennes, qui a depuis été la première femme du comte de Grignan.