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qu’elle ; elle avoit trente-huit ans. Les vingt-quatre violons, ayant su que mademoiselle de Rambouillet se marioit, vinrent d’eux-mêmes lui donner une sérénade, et lui dirent qu’elle avoit fait tant d’honneur à la danse, qu’ils seroient bien ingrats s’ils ne lui en témoignoient quelque reconnoissance.

Elle eut une querelle pour cette noce avec la marquise de Sablé, qui se plaignit qu’elle ne l’avoit pas conviée. L’autre juroit qu’elle lui avoit dit que ce seroit une incivilité de lui donner la peine de faire six lieues, à elle qui étoit quasi toujours sur son lit et qui n’étoit pas autrement portative, car ce fut ce terme qui la choqua le plus. La marquise irritée, quoiqu’on l’eût reconviée après, n’en voulut point ouïr parler, et pour montrer qu’elle étoit aussi portative qu’une autre, elle monte en carrosse, en dessein d’aller voltiger, et se faire voir autour de Ruel. Pour cela une demoiselle à elle, appelée La Morinière, à qui elle avoit fait apprendre à connoître les vents, regarde bien la girouette, et après l’avoir assurée qu’il n’y avoit point d’orage à craindre, on part ; mais elle ne fut pas plus tôt au-delà du pont de Nully[1] que voilà tout le ciel brillant d’éclairs. La frayeur la prend ; elle fait toucher à Paris, et le tonnerre étant assez fort, quoiqu’elle eût une grosse bourse de reliques, elle se cache dans les carrières de Chaillot, avec protestation de ne songer plus à se venger. À quelques jours de là la paix se fit.

Elle eut une bien plus grande querelle avec La Moussaye. Voici apparemment d’où cela vint. M. d’En-

  1. On dit aujourd’hui Neuilly.