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francs ; car pour les autres, madame de Brassac, qui avoit la moitié à tout, les lui donnoit, en cas qu’il ne mourût point le premier sans enfants. Enfin il eut tout le bien de sa tante quelque temps après.

Madame d’Aiguillon espéroit que madame de Montausier pourroit devenir dame d’honneur ; le prétexte étoit que madame de Brassac l’avoit été, et je pense qu’on ne manqua pas de le lui dire pour la persuader à se marier. Je remarque bien que c’est ce qu’elle souhaiteroit le plus au monde, et il n’y a guère de femme qui y fût plus propre.

Le marquis, se voyant gouverneur de Xaintonge et d’Angoumois[1], fit parler à mademoiselle de Rambouillet par mademoiselle Paulet, par madame de Sablé, et par madame d’Aiguillon même. Elle l’estimoit, mais elle avoit aversion pour le mariage. Madame d’Aiguillon, en lui représentant la passion du cavalier, lui disoit : « Ma fille, ma fille, il n’y a rien de tel devant Dieu, cela donne dévotion. » On en fit dire un mot par la Reine ; le cardinal même vint en parler à mademoiselle de Rambouillet. En ce temps-là il n’étoit pas si établi qu’il est à cette heure, et il mitonnoit madame d’Aiguillon pour faire épouser le duc de Richelieu à une de ses nièces. Madame de Rambouillet se plaignoit alors de la dureté de sa fille ; ce fut ce qui fit l’affaire, car, de peur de fâcher la mère, elle s’y résolut, et changea du

  1. Pour le gouvernement d’Alsace, ou plutôt la commission pour y commander, le cardinal dit : « Plusieurs me l’ont demandée, mais je ne désoblige point en obligeant : elle demeurera à M. de Montausier. » Depuis le cardinal, l’Alsace étoit devenue, par la paix, un fort bon gouvernement ; on la lui ôta et ne lui en laissa que la lieutenance de roi, car Schelestadt et Colmar, dont il étoit gouverneur particulier, ont été rendus par le Traité de Munster. (T.)