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eut de la jalousie. On éloigna La Coste, qui devenoit trop confidente de Mademoiselle ; on ne voulut plus qu’elle allât si souvent à l’hôtel de Condé.

M. de Salles, son cadet, devenu l’aîné, quoiqu’il y eût quatre ans qu’il aimoit mademoiselle de Rambouillet, dont il étoit devenu amoureux dès qu’il la vit, ne se déclara pourtant point qu’il ne fût maréchal-de-camp et gouverneur d’Alsace. Il y a apparence que son aîné n’ignoroit pas sa passion, et que c’est ce qui lui fit dire que ce frère plus heureux que lui épouseroit un jour mademoiselle de Rambouillet. Je ne doute point que celle-ci même ne s’en aperçût, car dès le temps du roi de Suède, il avoit commencé à travailler à la Guirlande de Julie, dont nous parlerons ensuite. M. de Montausier porta sa passion partout avec lui. Il faisoit des vers, il en parloit, tout cela ne servoit de rien. Mademoiselle de Rambouillet disoit qu’elle ne vouloit point se marier. Lui, plus épris, ou plus opiniâtre que jamais, persévéra toujours.

Trois ou quatre ans avant que de l’épouser, il lui envoya la Guirlande de Julie. C’est une des plus illustres galanteries qui aient jamais été faites. Toutes les fleurs en étoient enluminées sur du vélin, et les vers écrits aussi sur du vélin, ensuite de chaque fleur, et le tout de cette belle écriture de Jarry dont j’ai parlé[1]. Le frontispice du livre est une guirlande au milieu de laquelle est le titre :

La Guirlande de Julie, pour mademoiselle de Rambouillet, Julie-Lucine d’Angennes.


et à la feuille suivante, il y a un Zéphir qui épand

  1. Voyez précédemment, p. 230.