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menez-m’y ! — Menez-m’y ! répondit-elle, allez, Xaintongeois, apprenez à parler, et puis je vous y mènerai. » En effet, elle ne l’y voulut mener de trois mois. La guerre appela bientôt après le marquis en Italie. Il se jeta dans Casal, et eut bonne part aux exploits qui s’y firent. Il arrêta toute l’armée du duc de Savoie devant Ponsdès, terre qui n’étoit point en état d’être défendue. Étant amoureux d’une dame en Piémont, et la ville où elle étoit ayant été assiégée, il se déguisa en capucin pour y entrer, y entra, et la défendit. Un jour en contant cela à sa mère, et comme cette femme l’avoit reçu, il s’emporta tellement que, sans songer à qui il parloit, il lui dit : « Je la trouvai seule un jour, et je la...... » Il trancha le mot ; mais revenant à soi et voyant qu’il parloit à sa mère, il se lève, fuit, tire la porte et s’en va du logis. Sa mère l’aimoit passionnément.

M. de Rohan parle de lui comme d’un homme qui avoit beaucoup de génie pour la guerre. Son frère est un homme à se jeter dans un feu, mais il n’a point de génie pour la guerre.

Au retour, madame Aubry, pour avoir un prétexte, fit courir le bruit qu’elle le vouloit marier avec sa fille, aujourd’hui madame de Nermoutier[1], qui, étant encore trop jeune, leur servit de couverture près de quatre ans. Or, cette madame Aubry étoit fort agréable, avoit le teint beau, la taille jolie, et étoit fort propre, mais elle ne pouvoit pas passer pour belle ; en récompense elle ne manquoit point d’esprit et chantoit si bien, qu’elle ne cédoit qu’à mademoiselle Paulet.

  1. Pour Noirmoutier.