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de Sault, fils du second lit, l’ayant faite héritière, M. de Créqui eut ce bien-là : c’est pays de droit écrit que le Dauphiné. La comtesse de Sault eut de l’affection pour ce petit M. de Bullion, à cause, dit-on, que le proverbe de petit chien belle queue étoit fort véritable en lui[1]. Elle le poussa, lui donna du bien, et lui fit avoir de l’emploi. Il fut président aux enquêtes. On dit qu’un jour elle disoit à la Reine-mère : « Ah ! madame ! si vous connoissiez M. de Bullion comme moi ! — Diou m’en garde, madame la comtesse, » dit la Reine ; car elle n’a jamais su prononcer le françois, et elle disoit : Fa cho pour dire : Il fait chaud. Celle-ci[2] le prononce comme si elle étoit née à Paris.

Cette madame de Sault fit avoir à Bullion l’intendance de l’armée de M. le connétable de Lesdiguières contre les Génois, et il n’y fit pas mal ses affaires. Le connétable et lui s’entendoient fort bien. Le cardinal de Richelieu le fit après surintendant des finances[3] avec M. Bouthillier, père de M. de Chavigny ; mais Bullion faisoit quasi tout. C’étoit un habile homme, et qui avoit plus d’ordre que tous ceux qui sont venus depuis. Il disoit : « Fermez-moi deux bouches, la maison de Son Éminence et l’artillerie, après je répondrai bien du reste. » Cependant on m’a assuré que quand les premiers louis d’or furent faits, il dit à ses

  1. On montra à Pompeo Frangipani, M. de Montmorency, M. de Bassompierre et ce petit bout d’homme ; et on lui dit : « Devinez lequel des trois a fait fortune par les femmes ? Il se mit à rire, et dit : « Serait-ce ce petit vilain ? — Oui ; les autres, tout beaux qu’ils sont, y ont dépensé cinq cent mille écus chacun. » (T.)
  2. Marie-Thérèse, femme de Louis XIV.
  3. En 1632.