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fure. Madame de Montausier avoit un peu plus d’aversion qu’elle pour les bonnets de nuit, mais mademoiselle d’Arquenay, aujourd’hui abbesse de Saint-Étienne de Reims, étoit la plus déchaînée contre ces pauvres bonnets. Son frère un jour l’envoya prier de venir jusque dans sa chambre. Elle n’y fut pas plus tôt, qu’il ferme sa porte au verrou ; incontinent cinq ou six hommes sortent d’un cabinet avec des bonnets de nuit, qui à la vérité avoient des coiffes bien blanches, car des bonnets de nuit sans coiffes eussent été capables de la faire mourir de frayeur. Elle s’écrie, et veut s’enfuir : « Jésus ! ma sœur, lui dit-il, pensez-vous que je vous aie voulu donner la peine de venir ici pour rien ? non, non, vous ferez collation, s’il vous plaît. » Quoiqu’elle pût faire ou dire, il fallut se mettre à table et manger de la collation que ces gens à bonnets de nuit leur servirent. Depuis cela, le marquis de Montausier, instruit de cette petite aversion, jusqu’à la grande blessure qu’il reçut au combat de Montansais, en 1652, coucha toujours avec sa femme sans bonnet de nuit, quoiqu’elle le priât d’en prendre[1]. C’est ce qui a fait dire que les véritables précieuses ont peur des bonnets de nuit.

Voiture et lui, comme nous dirons ailleurs[2], avoient une grande amitié l’un pour l’autre. Une fois M. de Pisani, durant une grande gelée, dit à quelqu’un : « Tenez, je n’ai qu’une chemise. — Hé ! comment pouvez-vous faire ? dit l’autre. — Comment je fais ? reprit-il ; je tremble toujours de froid. »

  1. M. de Montausier avoit épousé mademoiselle de Rambouillet, en 1645.
  2. Voyez l’article sur Voiture.