Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez sotte pour baiser cet enfant, et elle et lui en moururent. Madame de Rambouillet, madame de Montausier et mademoiselle Paulet l’assistèrent jusqu’au dernier soupir[1]. Ensuite madame de Saint-Étienne, puis madame de Pisani. Toutes sont religieuses, hors la première et la dernière des filles, qui est mademoiselle de Rambouillet[2].

M. de Pisani vint beau, blanc et droit au monde, mais il eut l’épine du dos démise en nourrice, sans qu’on le sût, et en devint si contrefait qu’on ne lui pouvoit faire de cuirasse. Cela lui gâta jusqu’aux traits du visage, et il demeura fort petit, ce qui sembloit d’autant plus étrange que son père, sa mère et ses sœurs sont tous grands. On disoit les sapins de Rambouillet autrefois, parce qu’ils étoient je ne sais combien de frères de grande taille et point gros. En revanche, M. de Pisani avoit beaucoup d’esprit et beaucoup de cœur. De peur qu’on ne le fît d’église, il ne voulut jamais étudier, ni même lire en françois, et il ne commença à y prendre quelque goût que quand on imprima la traduction de ces huit oraisons de Cicéron, dont il y en a trois de M. d’Ablancourt et une de M. Patru. Il les aimoit et les lisoit à toute heure. Il raisonnoit, comme s’il eût eu toute la logique du monde dans la tête. Il avoit l’esprit adroit, et chez les dames il étoit

  1. Voyez la lettre de condoléance que Voiture écrivit dans cette occasion à mademoiselle de Rambouillet, qui fut depuis madame de Montausier. (Lettres de Voiture, lettre 13.) Cet enfant mourut en 1631.
  2. Angélique Clarice d’Angennes, demoiselle de Rambouillet, première femme du comte de Grignan. Tallemant en a parlé plus bas dans l’article consacré aux filles de la marquise de Rambouillet.