Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comte n’aimoit pas. En causant, on lui avoit fait dire, à diverses fois, toutes ses aversions. Il y avoit entre autres choses un grand potage au lait et un gros coq d’Inde. Mademoiselle Paulet y joua admirablement son personnage. « Monsieur le comte, disoit-elle, il n’y eut jamais un si bon potage au lait ; vous en plaît-il sur votre assiette ? — Mon Dieu ! le bon coq d’Inde ! il est aussi tendre qu’une gelinotte. — Vous ne mangez point du blanc que je vous ai servi ; il vous faut donner du rissolé, de ces petits endroits de dessus le dos. » Elle se tuoit de lui en donner, et lui de la remercier. Il étoit déferré ; il ne savoit que penser d’un si pauvre souper. Il émioit[1] du pain entre ses doigts. Enfin, après que tout le monde s’en fut bien diverti, madame de Rambouillet dit au maître-d’hôtel : « Apportez-nous donc quelqu’autre chose, M. le comte ne trouve rien là à son goût. » Alors on servit un souper magnifique, mais ce ne fut pas sans rire.

On lui fit encore une malice à Rambouillet. Un soir qu’il avoit mangé force champignons, on gagna son valet-de-chambre qui donna tous les pourpoints des habits que son maître avoit apportés. On les étrécit promptement. Le matin, Chaudebonne le va voir comme il s’habilloit ; mais quand il voulut mettre son pourpoint, il le trouva trop étroit de quatre grands doigts. « Ce pourpoint-là est bien étroit, dit-il à son valet-de-chambre ; donnez-moi celui de l’habit que je mis hier. » Il ne le trouve pas plus large que

  1. Émier, pour émietter, a vieilli. (Voyez les Dictionnaires de Nicod, de Trévoux, et même celui de l’Académie.)