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du château, qui n’est qu’un bâtiment à l’antique) ; qu’elle eût voulu ensuite mener à Rambouillet ses meilleurs amis, et le lendemain, en se promenant dans le parc, leur proposer d’aller voir une belle maison qu’un de ses voisins avoit fait faire depuis quelque temps ; « et, après bien des détours, je les aurois menés, dit-elle, dans ma nouvelle maison que je leur aurois fait voir sans qu’il parût un seul de mes gens, mais seulement des personnes qu’ils n’eussent jamais vues : et enfin je les aurois priés de demeurer quelques jours en ce beau lieu, dont le maître étoit assez mon ami pour le trouver bon. Je vous laisse à penser, ajoutoit-elle, quel auroit été leur étonnement lorsqu’ils auroient su que tout ce secret n’auroit été que pour les surprendre agréablement. »

Elle attrapa plaisamment le comte de Guiche, aujourd’hui le maréchal de Gramont. Il étoit encore jeune quand il commença à aller à l’hôtel de Rambouillet. Un soir, comme il prenoit congé de madame la marquise, M. de Chaudebonne[1], le plus intime des amis de madame de Rambouillet, qui étoit fort familier avec lui, lui dit : « Comte, ne t’en va point, soupe céans. — Jésus ! vous moquez-vous ? s’écria la marquise ; le voulez-vous faire mourir de faim ? — Elle se moque elle-même, reprit Chaudebonne, demeure, je t’en prie. » Enfin il demeura. Mademoiselle Paulet, car tout cela étoit concerté, arriva en ce moment avec mademoiselle de Rambouillet ; on sert, et la table n’étoit couverte que de choses que le

  1. Il est souvent parlé de M. de Chaudebonne dans les lettres de Voiture. Tallemant lui a consacré plus loin un petit article.