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comme un cercle de grosses roches, entre lesquelles s’élèvent de grands arbres qui font un ombrage très-agréable. C’est le lieu où Rabelais se divertissoit, à ce qu’on disoit dans le pays ; car le cardinal du Bellay, à qui il étoit, et messieurs de Rambouillet, comme proches parens, alloient fort souvent passer le temps à cette maison ; et encore aujourd’hui on appelle une certaine roche creuse et enfumée, la Marmite de Rabelais. La marquise proposa donc à M. de Lisieux d’aller se promener dans la prairie. Quand il fut assez près de ces roches pour entrevoir à travers les feuilles des arbres, il aperçut en divers endroits je ne sais quoi de brillant. Étant plus proche, il lui sembla qu’il discernoit des femmes, et qu’elles étoient vêtues en nymphes. La marquise, au commencement, ne faisoit pas semblant de rien voir de ce qu’il voyoit. Enfin, étant parvenus jusqu’aux roches, ils trouvèrent mademoiselle de Rambouillet et toutes les demoiselles de la maison, vêtues effectivement en nymphes, qui, assises sur ces roches, faisoient le plus agréable spectacle du monde. Le bonhomme en fut si charmé, que depuis il ne voyoit jamais la marquise sans lui parler des roches de Rambouillet.

Si elle eût été en état de faire de grandes dépenses, elle eût bien fait de plus chères galanteries. Je lui ai entendu dire que le plus grand plaisir qu’elle eût pu avoir, eût été de faire bâtir une belle maison au bout du parc de Rambouillet, si secrètement que personne de ses amis n’en sût rien (et avec un peu de soin la chose n’étoit pas impossible, parce que le lieu est assez écarté, et que ce parc est un des plus grands de France, et même éloigné d’une portée de mousquet