Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dorer la galerie tout du long, comme il y en a un bout : ce fut lui qui le fit faire. Sa cagoterie parut en ce qu’il brûla quelques nudités de grand prix qui étoient à Fontainebleau. En récompense, il entretenoit assez bien les maisons du Roi. Il étoit concierge de Fontainebleau[1].

Une fois que le cardinal vouloit faire venir un notaire : « Il n’est pas besoin, monseigneur, lui dit-il ; je suis secrétaire du Roi, je ferai bien ce qu’il faut. » Le cardinal rompit un jour par hasard une petite canne fort jolie qu’il aimoit assez. Le petit bon homme la prend, la rajuste et la rapporte à Son Éminence. On disoit qu’il ne voloit pas, mais il laissoit voler sous lui. Il avoit fait les vœux de Jésuite depuis son veuvage, mais il étoit exempt de porter l’habit et de vivre autrement qu’un séculier. Il fit tout le pis qu’il put à l’Université. Il a laissé un pauvre benêt de fils[2]. Ce fut lui qui découvrit au feu Roi que le cardinal avoit cinq cent mille écus chez Mauroy. Sa disgrâce est dans les Mémoires de la Régence.

Ce fut lui qui fut cause de la mort de Saint-Prueil, et Saint-Prueil[3] le dit bien : « C’est un cagot ; il ne me pardonnera jamais. » Saint-Preuil avoit donné

  1. Ce fut lui qui fonda l’Imprimerie royale, d’abord établie dans les galeries du Louvre.
  2. Le fils de M. de Noyers, appelé La Boissière, ne manque nullement d’esprit ; c’est une espèce de visionnaire et d’avaricieux qui mène une vie retirée, et qui ne s’occupe guère à rien. On a retiré sur lui la terre de Dangu que son père avoit achetée sans prendre bien garde à sa sûreté. Il l’a perdue ; il vit encore en l’an 1672. (T.)
  3. François de Jussac, seigneur de Saint-Prueil, maréchal-de-camp, gouverneur d’Arras, décapité pour satisfaire la haine du cardinal de Richelieu.