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et vous en donnâtes le commandement à Schomberg et à Marillac. Mais promettez-moi que vous vous servirez de moi, et je vous le dirai. » On fit ce qu’il demandoit : aussitôt il congédie tous les grands vaisseaux ; par ce moyen, il s’ôtoit de dessus les bras les Manty, les Rasilly et tous les autres qui ne lui eussent pas obéi volontiers. Il ne prit que vingt petits vaisseaux, des galiotes, des brulôts, des barques et des chaloupes armées ; sa raison, la voici : aux deux côtés du fort de Coureille et du fort Louis qui étoient à la tête du canal opposés l’un à l’autre, il y a des basses. « J’irai affronter, disoit-il, l’armée angloise ; elle foudroiera mes petits vaisseaux ; mais elle ne tuera pas tout ; on coupera nos câbles ; nous nous laisserons aller, le flot nous portera sur les basses où le canon des forts ruinera toutes leurs ramberges[1] ; j’ai des galiotes et autres petits vaisseaux de rames pour détourner les brûlots. »

Son neveu, alors chevalier de Valençay (c’est aujourd’hui le bailli de Valençay, ou le grand prieur de Champagne), revenant d’esclavage, arriva au camp comme le bailli faisoit cette proposition. M. de Montmorency en rioit et lui disoit : « Votre oncle rêve. — Il ne rêve point, dit le chevalier, et assurément voici ses raisons. » Il les devina.

Voilà donc le bailli sur la Renommée, le plus grand vaisseau des vingt, quoiqu’il ne fût que de trois cents tonneaux. Il y faisoit grande chère. Tous les braves s’y rendoient dès la moindre alarme. Il y mangea vingt

  1. Ramberge, grand vaisseau que l’on ne connoissoit que dans la marine angloise.