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Voici comment il trouva moyen d’avoir le trésor du chambrier de l’abbaye de Bourgueil. M. de Reims, averti que ce religieux, qui avoit d’autres bénéfices, avoit épargné de son revenu jusqu’à seize mille livres qu’il avoit cachées dans les fondements de sa maison, il lui demande de l’argent à emprunter. « Je n’en ai point, monseigneur, » dit le moine, et en présence de témoins dignes de foi en fait des serments horribles. L’archevêque en fait prendre acte, et, après, lui donne une commission delà la Loire, et ordre aux bateliers de ne pas le repasser qu’on ne le leur mandât. Cependant il fait jeter à bas la maisonnette de ce pauvre moine, et prend tout l’argent. Le religieux s’en plaint, dit qu’il y avoit seize mille livres chez lui. Il le fait passer pour un méchant homme, et lui confronte les témoins.

Il eut avis que le sacristain de Bourgueil avoit douze mille livres enfouies sous sa cellule. Il lui parle de déloger ; l’autre dit qu’il étoit assez bien logé. Il fait tomber le discours sur l’épargne de cet homme, et lui dit : « Je pense que vous avez bien amassé au moins trois mille livres. — Moi, dit l’autre, je n’ai pas trois mille deniers. » À quelques jours de là il donne une commission à ce moine. Pendant cela, il jette la chaumière à bas, et trouve l’argent. Il en arriva comme de l’autre, hors que celui-ci eut cinq cents livres pour tout potage.

Après avoir fait tant de friponneries à Bourgueil, il eut l’insolence, y étant une fois malade au point qu’il fallut se confesser, de ne dire que des bagatelles au Père de La Vallée, prieur des Réformés, qu’il envoya quérir. Mais l’autre, qui savoit sa vie, eut le plaisir de