Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit être mort. » À dîner, sur la fin, il faisoit venir maître Nicolas, son célèbre cuisinier, et lui disoit : « Maître Nicolas, que souperons-nous ? » Et à souper : « Maître Nicolas, que dînerons-nous ? »

Un jour qu’il traitoit des évêques, la veuve de son rôtisseur, mort depuis peu, vint avec quatre ou cinq petits enfants pour lui demander de l’argent. Il les aperçut, il va vite au-devant, et fit tant qu’elle promit d’attendre jusqu’au lendemain. Les conviés, qui le connoissoient, avoient vu toute l’affaire ; car cette femme, avec sa mesgnie[1], étoit entrée dans le lieu où l’on étoit à table. « Voyez, ce dit-il, quand il fut de retour, si cette femme ne prend pas bien son temps, elle vient pour faire confirmer ses enfants. » Il ne sortoit jamais que la nuit, de peur de ses créanciers. M. Arnauld disoit à M. de Grasse (Godeau), que M. de Reims avoit sacré : « Vous avez été sacré de la patte du loup. »

Ne trouvant point de caution pour donner à M. de La Bistrade, conseiller au Grand Conseil, duquel il louoit une maison : « Monsieur, dit-il, ma bibliothèque suffira. » Elle étoit belle. Quand le bail fut près d’expirer, il emprunte tous les chariots de ses amis, et une belle nuit il fait enlever meubles et livres : le conseiller crie. On lui dit : « Ne vous fâchez pas ; voilà la clef de la bibliothèque : vous n’avez demandé que cela. » Il y va, et n’y trouve plus rien.

Il avoit pour marchand de poisson, en Anjou, un nommé L’Anguille. Cet homme, un jour que madame de Pisieux étoit à Bourgueil, alla pour demander de

  1. Sa famille.