Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le nie. Il le menace de le livrer à quatre valets-de-chambre ou palefreniers qu’il lui fit voir. Le moine eut peur et donna ses lettres ; mais il ne les eut pas plus tôt lâchées, que le repentir le saisit. Il reproche à ce beau prélat qu’il a abusé de son autorité ; que ce qu’il en faisoit n’étoit que par jalousie, etc. Il en dit tant que ce saint père en Dieu l’abandonna à ses valets, qui lui donnèrent les étrivières en forme de discipline.

Mais on ne peut pas affronter toujours les autres ; on est quelquefois affronté à son tour. M. de Chartres avoit gagné une tapisserie de prix au maréchal d’Estrées ; et, étant obligé de partir, il donna ordre à son homme d’affaires de la demander. Cet homme y fut. Le maréchal dit : « Oui, oui-dà ; mais ma femme couche dans cette chambre-là ; bientôt elle changera de meuble ; alors je livrerai la tapisserie, car je ne veux pas qu’elle le sache. » Une autre fois il lui dit : « Monsieur un tel est logé céans. Cette tapisserie, par malheur, n’a pu être détendue ; car il a fallu en hâte lui laisser cet appartement. Je vous prie, donnez-vous un peu de patience. » Toutes les fois que cet homme y alloit, le maréchal trouvoit de nouvelles échappatoires. Enfin, las d’y aller, cet homme d’affaires écrivit à son maître : « Je crois que nous n’aurons point la tapisserie. Mais nous y gagnerons avec le temps, car j’ai appris un millier d’échappatoires que je ne savois pas encore, et dont vous ne vous seriez jamais avisé. »

Le cardinal de Richelieu lui fit une fois un plaisant tour : Il signor Julio Mazarini, qui n’étoit rien alors,

    donne à celui qui veut sortir pour l’accompagner. (Dictionnaire de Trévoux.)