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lâche et flatteur. Il eut l’abbaye de Bourgueil en Anjou dès son enfance ; après il fut évêque de Chartres, et enfin archevêque de Reims, quand on fit le procès à M. de Guise.

Il faut commencer par Bourgueil. On m’a assuré, en ce pays-là, que, par une jalousie d’amourette, il avoit fait tuer à coups de marteau, dans une cave, un des moines, avant que la réforme y eût été introduite. Pour des escroqueries, il y en a comme ailleurs, et à tel point que les habitants n’osoient faire paroître leur bien. L’abbaye de Bourgueil doit au Roi, toutes les fois qu’il va en personne à la guerre, un roussin de service, évalué quatre-vingts livres. Quand le feu Roi fut au siége de La Rochelle, M. de Chartres fit sonner cela bien haut aux habitants, et fit si bien valoir le committimus, qu’il en tira plus de quatre mille livres.

Pour paver les avenues de Bourgueil, il obtint de la cour une ordonnance de douze mille livres. Il fut averti que madame Bouthilier, qui en ce temps-là faisoit bâtir Chavigny, près de Chinon, le devoit venir voir. Il fait porter quelques charretées de pavés par où elle avoit à passer. En causant avec elle, il lui dit qu’il se trouvoit trop chargé de Reims et de Bourgueil ; qu’il avoit peur de n’y pas faire son salut ; qu’il falloit qu’il se déchargeât de Bourgueil sur quelqu’un, et insensiblement il vint à parler de M. de Tours, frère de M. Bouthilier, le surintendant. Ensuite ils en parlèrent si bien, que la dame, croyant l’affaire faite, prit l’ordonnance de douze mille livres et la lui fit payer. Mais quand ce fut au faire et au prendre, il apporta une plainte des habitants de Bourgueil, qui le supplioient