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d’avril. Ils se promenèrent durant tout ce temps dans une salle, sans dire autre chose l’un à l’autre : « Mon frère, que de foin ! mon frère, que d’avoine ! » Quoique les enfants de Beuvron aient plus d’esprit que leur père, on ne laisse pas quelquefois de leur dire : « Mon frère, que de foin ! mon frère, que d’avoine ! » Et ils en enragent un peu.

Il n’est pas à se repentir d’avoir vendu une maison qu’il avoit fait bâtir à la porte de Richelieu, à Villarceaux, à condition d’y avoir son logement sa vie durant. Ce n’est pas le seul fou marché qu’il ait fait.

Avec le bien qu’il a, car il en a assez pour toujours aller en carrosse, quoiqu’il en ait bien perdu, il s’amuse à faire encore des comédies, et pourvu qu’elles plaisent aux comédiens et aux libraires, il ne se soucie point du reste. Il s’est amusé à cajoler une librairesse pour tirer cent livres de quatre Nouvelles espagnoles qu’il a mises en mauvais françois. Le comte d’Estrées, le deuxième fils du maréchal, voyant que Bois-Robert parloit de ces Nouvelles comme de quelque belle chose, s’avisa plaisamment de lui écrire une grande lettre où il l’avertit, sans se nommer, de tout ce qu’on y trouve à redire. Bois-Robert crut que c’étoit Saint-Évremont, auteur de la comédie de l’Académie, et répondit d’une façon fort aigre. Saint-Évremont riposte qu’il ne vouloit point de brouillerie avec lui : « Non pas à cause, lui dit-il, que vous faites d’assez méchantes pièces de théâtre et d’assez méchantes nouvelles, mais à cause de cette inconsidération perpétuelle dont Dieu vous a doué, et qui fait dire à l’abbé de La Victoire qu’il vous faut juger sur le