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quel il fut à Rome en son ambassade extraordinaire.

Le ministre de Loudun, comme on le défioit de mettre ses doigts dans la bouche des religieuses de même que les prêtres y mettoient ceux dont ils tiennent l’hostie, répondit « qu’il n’avoit nulle familiarité avec le diable, et qu’il ne se vouloit point jouer à lui. » Un diable s’étoit vanté d’enlever le ministre dans sa chaire sur la tour de Loudun. Il n’en fit rien cependant.

Cette badinerie, ou plutôt ce désir de vengeance des Capucins, fut cause que Grandier fut brûlé tout vif, car Laubardemont[1], qui étoit bon courtisan, le sacrifia au crédit du Père Joseph. Ce Grandier avoit été galant, et s’étoit fait quelques ennemis dans la ville qui lui nuisirent. Le diable dit une fois : « M. de Laubardemont est cocu. » Et Laubardemont, à son ordinaire, mit le soir : Ce que j’atteste être vrai, et signa. Enfin insensiblement cela se dissipa à mesure que le monde se désabusoit.

    le diable, qui, ne s’attendant pas à une semblable provocation, en fut pour sa courte honte. C’étoit défier le cardinal. Quillet le sentit assez tôt pour en prévoir et en prévenir les suites. En effet, peu de jours après Laubardemont lança contre lui un décret de prise de corps. » (Histoire de Touraine, par Chalmel, t. 4, Biographie, p. 404.)

  1. Maître des requêtes. (T.) — Laubardemont se trouvoit à Loudun pour veiller à la démolition du château-fort de cette ville, quand commença la comédie de la possession. Il en rendit compte au Roi et au cardinal, et fut nommé par eux pour informer contre Grandier. La manière dont il s’acquitta de cette mission a donné à son nom une affreuse célébrité.