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qu’il en a fait beaucoup. Scarron, le frère de Corneille et lui avoient imité tous trois de l’espagnol une pièce qu’on appelle l’Écolier de Salamanque. Celle de Corneille n’étoit pas si avancée ; mais les deux autres étoient achevées. Les comédiens vouloient jouer celle de Scarron la première. Madame de Brancas, à qui Bois-Robert le dit, pria le prince d’Harcourt de leur en parler : les comédiens lui ont bien de l’obligation, car il les fait jouer souvent en ville. Le prince menaça les comédiens de coups de bâton, s’ils faisoient cet affront à l’abbé, qui, contant cette aventure, disoit : « Ma foi, le prince d’Harcourt a pris cela héroï-comiquement[1]. »

Une fois le prince de Conti, comme on jouoit une pièce de Bois-Robert, lui dit de la loge où il étoit : « Monsieur de Bois-Robert, la méchante pièce ! » Bois-Robert, qui étoit sur le théâtre, se mit à crier bien plus fort : « Monseigneur, vous me confondez de me louer comme cela en ma présence. »

En ce temps-là, les dévots de la cour rendirent de mauvais offices à Bois-Robert, et le firent exiler comme un homme qui mangeoit de la viande le carême, qui n’avoit point de religion, qui juroit horriblement quand il jouoit ; et cela est vrai. Au retour, il ne put s’empêcher de dire que madame Mancini, qui avoit fait sa paix, ne l’avoit fait revenir que pour être payée de quarante pistoles qu’il lui devoit du jeu.

  1. Ménage dit (Ménagiana, tom. 2, pag. 174) : « Scarron donne quelque part en ses ouvrages un coup de dent à M. Bois-Robert. Je ne sais point ce qui les avoit mis mal ensemble. » Tallemant le fait ici connoître.