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ne guérira jamais, malade de la lâcheté de la cour, a fait cent bassesses au cardinal, et puis en a médit. Il va toujours chez la Reine ; or la Reine a un huissier nommé La Volière, qui est le plus capricieux animal qui soit au monde. Il lui prit une aversion pour le pauvre abbé. Un jour qu’il lui avoit refusé la porte : « J’y entrerai en dépit de vous, » lui dit-il. En effet, il vint de grands seigneurs à qui Bois-Robert dit : « Prenez-moi par la main. » Il entre, puis en sortant : « Nargue, dit-il, monsieur de La Volière. »

Bois-Robert fit une malice à M. de Courtin, qui avoit épousé une nièce de Picard, trésorier des parties casuelles, fils de ce cordonnier Picard à qui les gens du maréchal d’Ancre firent insulte, ce qui commença à mettre le peuple en fureur. Bois-Robert dînoit chez Picard fort souvent. Courtin le pria, s’il connoissoit Loret[1], celui qui fait la Gazette en vers imprimée, de lui dire que s’il vouloit mettre les louanges de M. Picard, il lui donneroit ce qu’il voudroit. Bois-Robert dit : « Donnez-moi vingt écus. — Voilà cinquante livres, dit Courtin ; s’il fait bien j’y ajouterai une pistole. » Loret met Picard tout de son long. La cour en rit fort. Picard irrité, lui qui a une nièce mariée au marquis de La Luzerne, fait menacer Bois-Robert de coups de bâton. Bois-Robert en faisoit partout le conte ; mais il oublioit les coups de bâton.

Il faut souvent revenir aux pièces de théâtre, parce

  1. Jean Loret (né au commencement du XVIIe siècle, mort dans les premiers mois de 1665) publioit toutes les semaines des feuilles en vers, dont la réunion forme la Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers, contenant les nouvelles du temps écrites à madame la duchesse de Longueville, depuis le 4 mai 1650 jusqu’au 28 mars 1665, 3 tomes in-folio.