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vivre avec un de ses frères qui est chanoine, car le maréchal Foucault, autrefois comte Du Dognon, au lieu de le récompenser de sept ans de service, lui avoit pris un cadran de trois cents livres, et à la foire Saint-Germain il lui emprunta, pour acheter des bagatelles à sa fille, les derniers deux écus blancs qu’il avoit. Ce pauvre d’Ouville est mort depuis deux ans. Il a fait je ne sais combien de volumes de contes, intitulés : les Contes de d’Ouville[1].

Il arrivoit toujours des aventures à Bois-Robert pour ses comédies. Dans l’une, il avoit mis une comtesse d’Ortie, croyant qu’il n’y avoit personne de ce nom-là. Cependant un beau matin il voit entrer chez lui un brave qui lui dit avec un accent gascon : « Monsieur, je me nomme d’Ortie. » Cela étonna Bois-Robert : « Vous avez mis une comtesse d’Ortie dans votre pièce. — Monsieur, dit l’abbé, je ne l’ai pas fait pour vous offenser. — Tant s’en faut, dit l’autre, que je vous en veuille mal, qu’au contraire je vous en suis obligé ; vous m’avez fait faire ma cour toutes les fois qu’on a joué votre pièce ; le Roi m’a fait appeler, et il connoît bien plus mon visage qu’il faisoit. » C’étoit un lieutenant aux gardes ; il est à cette heure capitaine. Bois-Robert a dit depuis : « Si j’eusse cru cela, j’eusse mis la marquise de la Ronce. » On lui dit : « Il y a une marquise de la Ronce, c’eût été bien pis. » Sa Cassandre est la meilleure pièce de théâtre qu’il ait faite.

Bois-Robert, malade d’une vieille maladie dont il

  1. Ses Contes sont en prose, et assez médiocres ; ils ont été publiés en 2 vol. in-12, en 1669, et réimprimés en 1732.