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fit sentir que ce dernier ne le trouveroit nullement bon. Le Roi voulut savoir pourquoi la pièce ne se jouoit point ; Bois-Robert dit que le président de Bercy, qui avoit livré tant de combats contre la Fronde, s’en trouveroit offensé, et ainsi il lui fit faire sa cour en son absence. Bercy en remercia Bois-Robert[1].

Ses neveux, dont nous venons de parler, n’étoient pas fils de d’Ouville. Il avoit donné ce dernier au comte Du Dognon, gouverneur de Brouage. Cet homme faisoit et écrivoit en beaux caractères une comédie en treize jours. Bois-Robert la raccommodoit un peu, et en tiroit ce qu’il pouvoit des comédiens, et on disoit qu’il ne donnoit pas tout à son frère. D’Ouville savoit la géographie le plus exactement du monde, et avoit une mémoire prodigieuse. Il s’étoit marié autrefois en Espagne. Bois-Robert fit rompre le mariage. Tous ces beaux messieurs faisoient dire à Bois-Robert, dans une Épître à M. le chancelier, qui a été depuis imprimée[2] :

Melchisédech étoit un heureux homme,
Car il n’avoit ni frères ni neveux.

Il y a trois ans qu’il mena d’Ouville au Mans pour y

  1. Molière a emprunté à Bois-Robert la scène de l’Avare et de son fils (deuxième scène du deuxième acte). La pièce de Bois-Robert, que les frères Parfait, dans leur Dictionnaire des théâtres, supposent avoir été représentée en 1654, fut imprimée en 1655, sous le titre de la Belle Plaideuse. On ignoroit jusqu’à présent que le président de Bercy et son fils fussent les originaux que Molière se trouvoit avoir transportés par son emprunt sur la scène, et livrés à la risée publique.
  2. Épîtres en vers et autres Œuvres poétiques de M. de Bois-Robert-Metel ; Paris, 1659, in-8o, p. 7.