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avancer. « Mademoiselle, lui dit ce bel amoureux, c’est Nicolas qui l’a voulu : parle pour moi, Nicolas, je ne sais que lui dire. »

Un de ses voisins lui donna une fois un fort beau bois de cerf. Racan dit à son valet, qui étoit à cheval avec lui, de le prendre. Il étoit tard, Racan le pressoit ; ce garçon lui dit : « Monsieur, j’ai mis tantôt de toutes les façons ce que vous m’avez donné ; je vois bien que vous ne savez pas combien il y a de peines à porter des cornes, car vous ne me tourmenteriez pas tant que vous faites. »

À l’Académie, quand ce fut à son tour à haranguer, il y vint avec un chiffon de papier tout déchiré dans ses mains : « Messieurs, leur dit-il, je vous apportois ma harangue, mais une grande levrette l’a toute mâchonnée. La voilà : tirez-en ce que vous pourrez, car je ne la sais point par cœur, et je n’en ai point de copie. » Il est le seul qui ait voulu avoir ses lettres d’académicien, et quand son fils aîné fut assez grand, il le mena à l’Académie pour lui faire saluer tous les académiciens.

Depuis son mariage et la mort de madame de Bellegarde, il commanda une fois un escadron de gentilshommes de l’arrière-ban. Il conte que jamais il ne put les obliger à faire garde, ni autre chose semblable, jour ni nuit, et enfin il fallut demander un régiment d’infanterie pour les enfermer. Un jour, en marchant, il y eut je ne sais quelle alarme ; il les trouva tous au retour (car cependant il étoit allé parler au général), l’épée et le pistolet à la main, aussi bien les derniers que les premiers, quoiqu’il fallût percer neuf escadrons avant que de venir à eux. Il y en eut un qui