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il se met à se chauffer. Elles se mordoient les lèvres de peur de rire ; enfin elles éclatèrent.

Un jour qu’il vouloit mener un prieur de ses amis à la chasse aux perdreaux, le prieur lui dit : « Il faut que je dise vêpres, et je n’ai personne pour m’aider. — Je vous aiderai, dit Racan. » En disant cela, Racan oublie qu’il avoit son fusil sur l’épaule, et, sans le quitter, il dit Magnificat tout du long.

Il a plusieurs fois donné l’aumône à de ses amis, les prenant pour des gueux. On dit qu’il boita tout un jour parce qu’il fut toujours à se promener avec un gentilhomme boiteux. Un matin étant à jeun, il demanda un doigt de vin chez un de ses amis. L’autre lui dit : « Tenez, il y a là-dessus un verre d’hypocras et un verre de médecine que je vais prendre. Ne vous trompez pas. » Racan ne manque pas de prendre la médecine, et cet homme ayant eu soin de la faire faire la moins désagréable qu’il avoit pu, Racan crut que c’étoit de médiocre hypocras, ou de l’hypocras éventé. Il va à la messe, où peu de temps après il sentit bien du désordre dans son ventre, et il eut bien de la peine à se sauver dans un logis de connoissance. Le malade qui avoit pris l’autre verre ne sentoit que de la chaleur, et n’avoit aucune envie d’aller. Il envoie chez Racan, qui lui manda que pour ce jour il seroit purgé sans payer l’apothicaire.

Racan, tout rêveur qu’il étoit, faisoit des contes de la rêverie de feu M. de Guise. À Tours, M. de Guise lui dit : « Allons à la chasse. » Il y fut, et toujours auprès de lui ; et le lendemain M. de Guise lui dit : « Vous avez bien fait de n’y point venir, nos chiens n’ont rien fait qui vaille. » Racan voyant cela, se