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grand seigneur, où il y avoit devant lui un potage qui ne sentoit que l’eau. Se tournant vers un de ses amis qui les avoit vues avec lui : « Voilà, dit-il, un potage à la grecque. »

Il alloit voir un jour un de ses amis à la campagne, seul, et sur un grand cheval. Il fallut descendre pour quelque nécessité. Il ne put trouver de montoir ; insensiblement il alla à pied jusqu’à la porte de celui qu’il alloit voir ; et y ayant trouvé un montoir, il remonta sur sa bête, et s’en revint sur ses pas sans sortir de sa rêverie.

Il lui est arrivé plusieurs fois de se heurter par la rue. Un jour que Malherbe, Yvrande et lui avoient couché en une même chambre, il se leva le premier, et prit les chausses d’Yvrande pour son caleçon. Quand Yvrande voulut s’habiller, il ne trouva point ses chausses. On les chercha partout. Enfin il regarda Racan, et il lui sembla plus gros qu’à l’ordinaire par le bas. « Sur ma foi, lui dit-il, ou votre cul est plus gros qu’hier, ou vous avez mis mes chausses sous les vôtres. » En effet, il y regarda, et les trouva.

Une après-dînée, il fut extrêmement mouillé. Il arrive chez M. de Bellegarde, et entre dans la chambre de madame de Bellegarde, pensant entrer dans la sienne ; il ne vit point madame de Bellegarde et madame Des Loges, qui étoient chacune au coin du feu. Elles ne dirent rien, pour voir ce que ce maître rêveur feroit. Il se fait débotter, et dit à son laquais : « Va nettoyer mes bottes ; je ferai sécher ici mes bas. » Il s’approche du feu, et met ses bas à bottes bien proprement sur la tête de madame de Bellegarde et de madame Des Loges, qu’il prenoit pour des chenets ; après,