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qu’à M. de Racan. — Eh ! mademoiselle, c’est moi. — Voyez, Jamyn, le joli personnage ! au moins les deux autres étoient-ils plaisants. Mais celui-ci est un méchant bouffon. — Mademoiselle, je suis le vrai Racan. — Je ne sais pas qui vous êtes, répondit-elle, mais vous êtes le plus sot des trois. — Mordieu ! je n’entends pas qu’on me raille. » La voilà en fureur. Racan, ne sachant que faire, aperçoit un recueil de vers. « Mademoiselle, lui dit-il, prenez ce livre, et je vous dirai tous mes vers par cœur. » Cela ne l’apaise point ; elle crie au voleur ! Des gens montent, Racan se pend à la corde de la montée, et se laisse couler en bas. Le jour même elle apprit toute l’histoire ; la voilà au désespoir ; elle emprunte un carrosse, et le lendemain de bonne heure elle va le trouver. Il étoit encore au lit ; il dormoit ; elle tire le rideau ; il l’aperçoit, et se sauve dans un cabinet. Pour l’en faire sortir, il fallut capituler. Depuis, ils furent les meilleurs amis du monde, car elle lui demanda cent fois pardon. Bois-Robert joue cela admirablement ; on appelle cette pièce les Trois Racans. Il les a joués devant Racan même, qui en rioit jusqu’aux larmes, et disoit : Il dit vlai, il dit vlai.

On en fait plusieurs autres contes. C’est un des plus grands rêveurs qu’on ait jamais vus. Une fois, en rêvant, il mangea tant de pois, qu’il n’en pouvoit plus : « Regardez, dit-il, ces totins de latais, ils ne m’avertissent pas, ils m’ont laissé trever. »

Un jour quelqu’un lui traduisit quelques épigrammes de l’Anthologie ; il les trouva plates, et il disoit, pour dire des épigrammes plates, des épigrammes à la grecque. En ce temps-là il dîna chez un