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Car c’est ainsi qu’on en usoit chez le cardinal. On ne manqua pas dès qu’il fut absent ; et pour le faire enrager, on lui donnoit pour compagnon tantôt le comte d’Harcourt, tantôt le marquis de Brézé. Ennuyé de traverses, il crut se faire rechercher s’il demandoit son congé. Voici comme il s’y prit : il envoya un nommé Courtin, et lui donna un mémoire de bien des choses qu’il falloit demander à Son Éminence. Parmi toutes ces choses, il y avoit : « Vous proposerez à Son Éminence de me permettre de me retirer. » Depuis, l’archevêque changea d’avis, et un jour Courtin l’étant allé retrouver, et lui ayant dit que cette proposition avoit été reçue, il en eut du déplaisir, et quelque temps après il dit à ce Courtin, qu’il avoit jusque là fait passer pour son ami intime, qu’il seroit bien aise de voir ce mémoire. Courtin lui dit qu’il étoit tout barré, et qu’à mesure qu’un article avoit été exécuté, il y avoit fait une barre, et qu’il ne savoit même s’il l’avoit gardé. Comme il l’alloit chercher, on lui dit que l’archevêque vouloit ravoir ce papier, pour pouvoir nier après d’avoir demandé son congé. Courtin fait semblant de l’avoir perdu : « Mais, lui dit l’archevêque, de quoi vous êtes-vous avisé de demander mon congé ? — Ah ! répondit l’autre, je vous y attrape, vous êtes un perfide ; voilà votre mémoire, mais vous ne l’aurez pas. » En disant cela il le quitta, et ne l’a jamais voulu voir depuis. Voilà l’archevêque bien embarrassé. Il ne savoit où il en étoit. Enfin il résolut de venir trouver le cardinal, et étoit déjà à Lyon quand le cardinal lui envoya Bézançon pour l’empêcher d’avancer. Bézançon, au retour, lui en dit le diable, et que l’archevêque croyoit être le