Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



MAUGARS[1].


Maugars étoit un joueur de viole le plus excellent, mais le plus fou qui ait jamais été. Il étoit au cardinal de Richelieu. Boisrobert, pour divertir l’Éminentissime, lui faisoit toujours quelque malice. Un jour il lui fit donner avis que le prieuré de Cranestroit vaquoit dans l’évêché de Vannes. Maugars le demande ; le cardinal, pour rire, lui en fait expédier les provisions. Cela lui donna une haine mortelle contre Boisrobert. Un jour qu’il alloit dans sa chambre pour jouer devant un homme du métier, nommé M. Imbert, et pour un gentilhomme appelé Saint-Val, le chevalier de Puygarrault et Boisrobert le suivirent tout doucement. Dès qu’il les vit : « À une autre fois, dit-il, monsieur Imbert, voilà des visages qui me déplaisent. » Et en disant cela, il met sa viole contre la muraille. Puygarrault, qui avoit un pistolet de poche qu’il avoit apporté tout exprès, prend un petit morceau de papier, le mouille et l’applique sur le ventre de la viole.

  1. Maugars, prieur de Saint-Pierre de Nac, interprète du Roi en langue angloise, et célèbre joueur de viole. On a de lui un Discours sur la musique d’Italie et des opéra, qui a été imprimé dans le Recueil des divers Traités d’histoire, de morale et d’éloquence ; Paris, 1672, petit in-12. La Vie de Malherbe par Racan, déjà citée dans cet ouvrage, fait partie de ce Recueil. Maugars parle dans son Discours de son talent et de son admirable viole, qui ne sortoit de chez lui, quand il étoit à Rome, que pour aller chez des Éminences.