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M. DE MONTMORENCY[1].


Le dernier duc de Montmorency demeura maître de son bien à dix-neuf ans. Mais M. de Portes, son oncle, qui étoit un homme d’esprit, prit le soin de sa conduite, et fit aller long-temps toute sa maison. Quoiqu’il eût les yeux de travers, M. de Montmorency étoit pourtant de fort bonne mine. Il avoit le geste le plus agréable du monde : aussi parloit-il plus des bras que de la langue. On dit, à propos de cela, que M. de Montmorency étant entré en une compagnie où étoit feu M. de Candale[2], tout le monde lui fit fête, quoiqu’il n’eût fait proprement que remuer les bras : « Jésus, dit M. de Candale, que cet homme est heureux d’avoir des bras ! » Madame de Rambouillet dit qu’une fois il voulut conter quelque chose qu’il savoit fort bien ; mais il s’embrouilla tellement, que le cardinal de La Valette, par pitié, fut contraint de prendre la parole et d’achever le conte. Il commençoit souvent des compliments et demeuroit à mi-chemin. On avoit quelquefois bien de la peine à s’empêcher de rire. Il ne disoit pas de sottises, mais il avoit

  1. Henri II, duc de Montmorency né à Chantilly, le 30 avril 1595, décapité à Toulouse le 30 octobre 1632. L’Histoire de Henri, dernier duc de Montmorency, pair et maréchal de France, a été publiée par Simon Ducros ; Paris, 1663, in-4o.
  2. M. le duc de Candale étoit fils aîné du duc d’Épernon, et l’un des hommes les plus recherchés de son temps.