Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

calier, je lui en ferai sauter toutes les marches. »

Ce bon homme, plus de vingt-cinq ans après que tout le monde avoit cessé de porter des chaînes et des enseignes de diamants, en mettoit tous les jours pour se parer, et se promenoit en cet équipage sous les porches de la Place-Royale, qui est près de son hôtel. Tous les passans s’amusoient à le regarder. À Sully, où il s’étoit retiré sur la fin de ses jours[1], il avoit quinze ou vingt vieux puants et sept ou huit vieux reîtres de gentilshommes qui, au son de la cloche, se mettoient en haie pour lui faire honneur, quand il alloit à la promenade, et puis le suivoient. Il entretenoit je ne sais quelle espèce de garde suisse. Il disoit qu’on se pouvoit sauver en toute sorte de religion, et a voulu être enterré en terre sainte.

  1. Sully se retira en effet, à la mort de Henri IV, dans la terre de son nom ; mais étant rentré en possession du château de Villebon qu’il avoit cédé au prince de Condé, il en fit son habitation principale, et il y est mort. Tallemant, dans cet article, montre plus qu’ailleurs son esprit mordant et porté au dénigrement. On voit dans les Mémoires de Sully de l’abbé de l’Écluse, Londres, 1747, in-4o, tom. 3, pag. 414, le grand état que le ministre de Henri IV conserva jusque dans ses terres. Le château de Sully est un curieux monument du moyen âge ; il a été sous Charles VII la demeure de La Trémouille. Il étoit avant la révolution flanqué de tours, mais il n’en subsiste qu’une seule aujourd’hui. On voit au milieu de la cour la statue en marbre que Rachel de Cochefilet, duchesse de Sully, fit élever à Villebon à la mémoire de son mari ; on regrette que cette statue n’ait pas encore été placée sur son piédestal, et qu’elle soit encore couchée dans la caisse qui a servi à la transporter de Villebon à Sully.