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moi apporter un bouillon, je suis tout troublé. » Charpentier le va prendre à la porte de la chambre, qu’on ferme ensuite au verrou. Alors le cardinal, levant les mains au ciel, dit : « Ô Dieu ! il faut que tu aies bien du soin de ce royaume et de ma personne ! Lisez cela, dit-il à Charpentier, et faites-en des copies. » Aussitôt il envoya un exprès à M. de Chavigny, avec ordre de le venir trouver, quelque part qu’il fût. Chavigny le vint trouver à Tarascon, car il jugea à propos de passer le Rhône. Chavigny, chargé d’une copie du Traité, va trouver le Roi. Le cardinal l’avoit bien instruit. « Le Roi vous dira que c’est une fausseté, mais proposez-lui d’arrêter M. le Grand, et qu’après il sera bien aisé de le délivrer si la chose est fausse ; mais que si une fois l’ennemi entre en Champagne, il ne sera pas si aisé d’y remédier. » Le Roi n’y manqua pas ; il se mit en une colère horrible contre M. de Noyers et M. de Chavigny, et dit que c’étoit une méchanceté du cardinal, qui vouloit perdre M. le Grand. Ils eurent bien de la peine à le ramener ; enfin pourtant il fit arrêter M. le Grand, et puis alla à Tarascon s’éclaircir de tout avec le cardinal.

Or, comme Fontrailles vit que le Roi étoit si long-temps avec M. de Noyers et M. de Chavigny sans qu’on eût appelé M. le Grand, il lui dit : « Monsieur, il est temps de se retirer. » M. le Grand ne le voulut pas. « Pour vous, lui dit-il, monsieur, vous serez encore d’assez belle taille quand on vous aura ôté la tête de dessus les épaules, mais en vérité je suis trop petit pour cela[1]. » Il se sauva en habit de ca-

  1. Avant que de se mêler d’intrigue, Fontrailles avoit mis tout son