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Je mettrai ici ce que j’ai appris de Vaultier. Un Cordelier, nommé le Père Trochard, qui suivoit partout M. de La Rocheguyon, l’avoit pour domestique, comme un pauvre garçon ; madame de Guercheville le fit médecin du commun chez la Reine-mère, à trois cents livres de gages. Or, quand elle fut à Angoulême, et que Delorme l’eut quittée à Aigre[1], aux enseignes qu’il disoit en son style qu’elle lui avoit dit des paroles plus aigres que le lieu où elles avoient été dites, elle eut besoin d’un médecin. Il ne se trouva que Vaultier, que quelqu’un, qui en avoit été bien traité, lui loua fort. Il la guérit d’un érysipèle, et ensuite il réussit si bien et se mit si bien dans son esprit, qu’il étoit mieux avec elle que personne. D’où vint la grande haine du cardinal contre lui.

On a fort médit du cardinal de Richelieu, qui étoit bel homme, avec la Reine-mère. Durant cette galanterie, elle s’avisa, quoiqu’elle eût déjà de l’âge, de se remettre à jouer du luth. Elle en avoit joué un peu autrefois. Elle prend Gaultier chez elle : voilà tout le monde à jouer du luth. Le cardinal en apprit aussi, et c’étoit la plus ridicule chose qu’on pût imaginer, que de le voir prendre des leçons de Gaultier. Ce Gaultier étoit un grand homme, bien fait, mais qui avoit de grosses épaules ; il faisoit fort l’entendu. Il étoit d’Arles ; sa mère gagnoit sa vie à filer, et on disoit qu’il ne l’assistoit point.

    commencement elle dit bien des sottises : que son frère la vengeroit, etc., et a toujours eu intelligence avec lui. Elle ne pouvoit cacher le chagrin qu’elle avoit des prospérités de la France, quand c’étoit au préjudice de sa maison. (T.)

  1. Aigre est un bourg de la province de Saintonge, qui fait aujourd’hui partie du département de la Charente.