les donner à la plus honnête femme qui y soit. » Le Roi et le favori furent outrés de cette insolence, et le comte eut ordre de se retirer. Il s’en alla à Naples. Pour la dame, elle eut un tel crève-cœur de l’affront qu’on lui avoit fait, que son mari, par la faveur du duc d’Uceda, ayant été fait vice-roi des Indes, elle y alla avec lui pour ne plus paraître à la cour.
Le comte revint après la mort de Philippe III, et, toujours fou en amour, se mit à galantiser une dame que le jeune Roi aimoit, et étoit bien mieux avec elle que le Roi même. Un jour qu’elle avoit été saignée, le Roi lui envoya une écharpe violette avec des aiguillettes de diamants qui pouvoient bien valoir quatre mille écus. C’est la galanterie d’Espagne : on y fait des présents aux dames quand elles se font saigner. Le comte connut aussitôt, à la richesse de l’écharpe, qu’elle ne pouvoit venir que du Roi, et en ayant témoigné de la jalousie, la dame lui dit qu’elle la lui donnoit de tout son cœur. « Je la prends, répondit le comte, et je la porterai pour l’amour de vous. » En effet, il se la met, et va en cet équipage chez le Roi. Le Roi conclut par là que le comte avoit les dernières faveurs de cette belle, et afin de s’en éclaircir, il alla travesti pour l’y surprendre. Le comte y étoit effectivement, qui le reconnut et qui le frotta, quoiqu’il fut vêtu en personne de condition. Pour se pouvoir vanter d’avoir eu du sang d’Autriche, il lui donna un coup de poignard, mais ce ne fut qu’en effleurant la peau vers les reins. Le Roi, le lendemain, sans se vanter d’avoir été blessé, lui envoya ordre de se retirer. Au lieu de suivre l’ordre du Roi, le comte va au palais avec une enseigne à son chapeau, où il y avoit un diable dans