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n’en avoit point médit, commença à souffrir, à la prière de madame de Clermont-d’Entragues, femme de grande vertu et sa bonne amie, que mademoiselle Paulet la vît quelquefois. Pour madame de Clermont, elle avoit tellement pris cette fille en amitié qu’elle n’eut jamais de repos que mademoiselle Paulet ne vînt loger avec elle. Le mari, fort sot homme du reste, soit qu’il craignît la réputation qu’avoit eue cette fille, soit, comme il y a plus d’apparence, car madame de Clermont n’étoit point jolie, qu’il crût que sa femme donnoit à mademoiselle Paulet, qui alors pour ravoir son bien plaidoit contre diverses personnes, le mari, dis-je, avoit traversé longuement leur amitié ; mais enfin on en vint à bout. Ce fut ce qui servit le plus à mademoiselle Paulet pour la remettre en bonne réputation, car après cela madame de Rambouillet la reçut pour son amie, et la grande vertu de cette dame purifia, pour ainsi dire, mademoiselle Paulet, qui depuis fut chérie et estimée de tout le monde.

Elle retira environ vingt mille écus de son bien, avec quoi elle a fait de grandes charités. Nous en verrons des preuves en l’Historiette suivante. Elle nourrissoit une vieille parente chez elle.

L’ardeur avec laquelle elle aimoit, son courage, sa fierté, ses yeux vifs et ses cheveux trop dorés lui firent donner le surnom de Lionne. Elle avoit une chose qui ne témoignoit pas un grand jugement, c’est qu’elle affectoit une pruderie insupportable. Elle fit mettre aux Madelonettes une fille qu’elle avoit, qui se trouva grosse. Depuis, je ne sais quel petit commis l’épousa et devint après un grand partisan. Après elle en prit une si laide que le diable en auroit eu peur. Je lui ai