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tout à leur aise, tandis que je meurs de froid[1]. »

Un de ses neveux le vint voir une fois, après avoir été neuf ans au collége. Il lui voulut faire expliquer quelques vers d’Ovide, à quoi ce garçon se trouvoit bien empêché. Après l’avoir laissé ânonner un gros quart-d’heure, Malherbe lui dit : « Mon neveu, croyez-moi, soyez vaillant, vous ne valez rien à autre chose. »

Un gentilhomme de ses parents étoit fort chargé d’enfants ; Malherbe l’en plaignoit, l’autre lui dit qu’il ne pouvoit avoir trop d’enfants, pourvu qu’ils fussent gens de bien. « Je ne suis point de cet avis, répondit notre poète, et j’aime mieux manger un chapon avec un voleur qu’avec trente capucins. »

Le lendemain de la mort du maréchal d’Ancre, il dit à madame de Bellegarde, qu’il trouva allant à la messe : « Hé quoi, madame, a-t-on encore quelque chose à demander à Dieu, après qu’il a délivré la France du maréchal d’Ancre ? »

Une année que la Chandeleur avoit été un vendredi, Malherbe faisoit une grillade le lendemain, entre sept et huit heures, d’un reste de gigot de mouton qu’il avoit gardé du jeudi. Racan entre et lui dit : « Quoi ! monsieur, vous mangez de la viande, et Notre-Dame n’est plus en couche. — Vous vous moquez, dit Malherbe, les dames ne se lèvent pas si matin[2]. »

Il alloit fort souvent chez madame des Loges[3]. Un jour, ayant trouvé sur sa table le gros livre de M. Du-

  1. Omis par Racan.
  2. Omis par Racan.
  3. Marie Bruneau, dame des Loges ; c’étoit une femme très-renom-