ne songeoit qu’à la mangeaille, qu’à des ragoûts, et vouloit même avoir son pot dans sa chambre ; elle devint si grasse qu’elle en devint monstrueuse ; mais elle avoit toujours bien de l’esprit. Peu de gens la visitoient. On lui ôta ses enfants[1] ; sa fille fut nourrie auprès des Filles de France.
La feue Reine-mère, de son côté, ne vivoit pas trop bien avec le Roi : elle le chicanoit en toutes choses. Un jour qu’il fit donner le fouet à M. le dauphin : « Ah ! lui dit-elle, vous ne traiteriez pas ainsi vos bâtards. — Pour mes bâtards, répondit-il, il les pourra fouetter, s’ils font les sots, mais lui il n’aura personne qui le fouette. »
J’ai ouï dire qu’il lui avoit donné le fouet lui-même deux fois : la première, pour avoir eu tant d’aversion pour un gentilhomme, que, pour le contenter, il fallut tirer à ce gentilhomme un coup de pistolet sans balle pour faire semblant de le tuer ; l’autre, pour avoir écrasé la tête à un moineau ; et que, comme la Reine-mère grondoit, le Roi lui dit : « Madame, priez Dieu que je vive, car il vous maltraitera, si je n’y suis plus[2]. »
Il y en a qui ont soupçonné la Reine-mère d’avoir trempé à sa mort, et que pour cela on n’a jamais vu la déposition de Ravaillac. Il est bien certain que le Roi dit un jour que Conchine, depuis maréchal d’Ancre,
- ↑ Tallemant se tait sur la conspiration d’Entragues et du comte d’Auvergne, où madame de Verneuil trempa, si elle n’en a pas été le principal moteur.
- ↑ La Reine-mère revint de l’éloignement qu’elle avoit témoigné pour ce genre de punition. (Voyez les Mémoires de l’Estoile, dans la Collection des Mémoires, première série, tome 49, page 26.)