mais proposez-lui d’arrêter M. le Grand, et qu’après il sera bien aisé de le délivrer si la chose est fausse ; mais que si une fois l’ennemi entré en Champagne, il ne sera pas si aisé d’y remédier. » Le Roi n’y manqua pas ; il se mit en une colère horrible contre M. de Noyers et M. de Chavigny, et dit que c’étoit une méchanceté du cardinal, qui vouloit perdre M. Le Grand. Ils eurent bien de la peine à le ramener ; enfin pourtant il fit arrêter M. le Grand et puis alla à Tarascon s’éclaircir de tout avec le cardinal.
À Lyon, M. Le chancelier dit tant à M. le Grand que le Roi l’aimoit trop pour le perdre, que cela n’iroit qu’à quelque temps de prison, que Sa Majesté auroit égard à sa jeunesse, que le pauvre M. Le Grand en crut quelque chose et confessa tout. Après, de peur de la question qu’on lui présenta, et qu’on lui eût donnée jusqu’à la mort, il persista. Il crut toujours que le Roi ne souffriroit jamais qu’on le fît mourir, mais que seulement on l’éloigneroit, et qu’étant si jeune il auroit le loisir de laisser mourir le cardinal, et qu’après il reviendroit à la cour. D’abord il confessa tout en secret à M. Le chancelier seul. Quand le Roi passa, il dit cent puérilités au chancelier, entre autres qu’il n’avoit pu jamais accoutumer ce méchant garçon à dire son Pater tous les jours (1). M. Le chancelier dit au cardinal : « Pour M. le Grand, cela va assez bien, mais pour l’autre je ne sais comment nous ferons. »
[(1) Une autre fois, en faisant des confitures, le Roi dit : « L’âme de Cinq-Mars étoit aussi noire que le cul de ce poêlon. » ( T.)]
M. le Grand, après divers interrogatoires, fut conduit au palais de Lyon. On le fit venir devant les commissaires ; car pas un, non pas même M. de Thou, qui devoit savoir cela, ne déclina, et cela dans l’opinion qu’il avoit, que le Roi ne demandoit d’autre satisfaction, sinon qu’il avouât publiquement son crime. Il fit d’une manière tout-à-fait débarrassée, et en termes dignes d’un cavalier, toute l’histoire