il en vint à bout, moitié figue, moitié raisin ; elle n’avoit osé crier de peur de scandale ; peut-être aussi que le dessein de cet homme lui avoit semblé une grande marque d’amour. Il lui fit après toutes les satisfactions qu’on peut s’imaginer. Elle le menaçoit de le faire poignarder. « Il ne faut point d’autre main que la vôtre pour cela, lui dit-il, Madame » ; et lui présentant un poignard : « Vengez-vous vous-même, et je vous jure que je mourrai très content. »
Depuis, elle ne fut pas si cruelle, et ses autres galants n’eurent pas tant de peine que celui-ci.
LE CARDINAL DE RICHELIEU
La Rivière, qui est mort évêque de Langres, disoit que le cardinal de Richelieu étoit sujet à battre les gens, qu’il a plus d’une fois battu le chancelier Séguier et Bullion. Un jour que ce surintendant des finances se refusoit de signer une chose qui suffisoit pour lui faire faire son procès, il prit les tenailles du feu, et lui serroit le cou en lui disant : « Petit ladre, je t’étranglerai. » Et l’autre répondit : « Etranglez, je n’en ferai rien. » Enfin il le lâcha, et le lendemain Bullion, à la persuasion de ses amis, qui lui remontrèrent qu’il étoit perdu, signa tout ce que le cardinal voulut.
Le cardinal étoit avare ; ce n’est pas qu’il ne fît bien de la dépense, mais il aimoit le bien. M. de Créqui ayant été tué d’un coup de canon en Italie, il alla voir ses tableaux, prit tout le meilleur au prix de l’inventaire, et n’en a jamais payé un sol. Il fit pis, car Gilliers, intendant de M. de Créqui, lui en ayant apporté trois des siens par son ordre, et lui en ayant présenté un qu’il le prioit d’accepter, le cardinal dit : « Je les veux tous trois et les doit encore. »
Il ne payoit guère mieux les demoiselles que les tableaux. Marion de l’Orme alla deux fois chez lui. À la première