quel habit elle prendroit ; si elle seroit reine, déesse, nymphe ou bergère.
À quatre-vingts ans il se portoit encore fort bien. Il m’a quelquefois lassé à force de me promener dans son jardin. C’étoit un petit homme sec, à yeux de cochon. Il a toujours eu l’esprit présent, et, à sa mode, il disoit de jolies choses (1)
[(1) Le curé de Saint-Sulpice l’étant allé voir et lui faisant des réprimandes sur sa conduite si peu chrétienne, il lui répondit sans s’émouvoir : « Monsieur le curé il ne faut pas croire tout ce que l’on dit, il y a bien de la médisance ; l’on me disoit l’autre jour que vous aimiez les garçons, mais je n’en voulois rien croire. Le curé, offensé d’un tel compliment, ne jugea pas à propos de lui parler davantage, et s’en alla. (Extrait d’un manuscrit du même temps. — M. )]
Un jour que madame d’Hautefort vint dans son jardin, il lui dit d’un ton assez sérieux : « Madame, voulez-vous bien faire parler de vous ? après avoir maltraité des rois, aimez un petit bonhomme comme moi »
Des Yvetaux avoit de la générosité et de la bonté. J’ai ouï dire au comte de Brionne, grand seigneur de Lorraine que, s’étant retiré à Paris, après la prise de Nancy, M. des Yvetaux le vouloit loger chez lui, et lui disoit pour raison : « Monsieur, vous avez si bien reçu autrefois les François en Lorraine, qu’il faut bien vous rendre la pareille aujourd’hui. » Ce M. de Brionne n’avoit qu’un cheval de carrosse, l’autre étoit mort ; il en emprunta un au bonhomme, qui ne vouloit pas le reprendre, et disoit : « Vous m’en rendrez un quand vos affaires seront en meilleur état. »
Un an devant que de mourir, Ninon, qui alloit quelquefois jouer du luth chez lui, car il aimoit fort la musique et faisoit souvent des concerts, lui demanda un jour de fête s’il avoit été à la messe. « Il y auroit, répondit-il, plus de honte à mon âge de mentir que de n’avoir point été à la messe. Je n’y ai point été aujourd’hui. » Elle lui donna un ruban jaune qu’il porta je ne sais combien de jours à son chapeau.