j’aime mieux manger un chapon avec un voleur qu’avec trente capucins. »
Le lendemain de la mort du maréchal d’Ancre, il dit à madame de Bellegarde, qu’il trouva allant à la messe : « Hé quoi, Madame, a-t-on encore quelque chose à demander à Dieu, après qu’il a délivré la France du maréchal d’Ancre ? »
Il avoit effacé plus de la moitié de son Ronsard et en cotoit les raisons à la marge. Un jour, Racan, Colomby, Yvrande et autres de ses amis le feuilletoient sur sa table, et Racan lui demanda s’il approuvoit ce qu’il n’avoit point effacé. « Pas plus que le reste, » dit-il. Cela donna sujet à la compagnie, et entre autres à Colomby, de lui dire qu’après sa mort ceux qui rencontreroient ce livre croiroient qu’il avoit trouve bon tout ce qu’il n’avoit peint rayé. « Vous avez raison » lui répondit Malherbe. Et sur l’heure il acheva d’effacer le reste.
Il étoit mal meublé et logeoit d’ordinaire en chambre garnie, où il n’avoit que sept ou huit chaises de paille ; et comme il étoit fort visité de ceux qui aimoient les belles- lettres, quand les chaises étoient toutes occupées, il fermoit sa porte par-dedans, et si quelqu’un heurtoit, il lui crioit : « Attendez, il n’y a plus de chaises, » disant qu’il valoit mieux ne les point recevoir que de les laisser debout.
Il se vantoit d’avoir sué trois fois la v…, comme un autre se vanteroit d’avoir gagné trois batailles, et faisoit assez plaisamment le récit du voyage qu’il fit à Nantes pour aller trouver un homme qui guérissoit de cette maladie dans une chaise ; sans doute c’étoit avec des parfums. Par son crédit il se fit céder cette chaise par un autre qui l’avoit déjà retenue, et il écrivit qu’il avoit gagné une chaire, à Nantes, où il n’y avoit pourtant point d’université. On l’appeloit chez M. de Bellegarde le Père Luxure.
Il a toujours été fort adonné aux femmes, et se vantoit en conversation de ses bonnes fortunes et des merveilles qu’il y avoit faites.