la reine Marguerite avec la ridicule figure dont elle étoit sur ses vieux jours. Ce dessein n’étoit guère raisonnable en soi ; mais au moins devoit-on épargner la fille de tant de rois.
À propos de ballets, une fois qu’on en dansoit un chez elle, la duchesse de Retz la pria d’ordonner qu’on ne laissât entrer que ceux qu’on avoit conviés, afin qu’on pût voir le ballet à son aise. Une des voisines de la reine Marguerite, nommée mademoiselle Loiseau, jolie femme et fort galante, fit si bien qu’elle y entra. Des que la duchesse l’aperçut, elle s’en mit en colère, et dit à la reine qu’elle la prioit de trouver bon que, pour punir cette femme, elle fît seulement une petite question. La reine lui conseilla de n’en rien faire, et lui dit que cette demoiselle avoit bec et ongles, mais voyant que la duchesse s’y opiniâtroit, elle le lui permit enfin.
On fait donc approcher mademoiselle Loiseau (1), qui vint avec un air fort délibéré : « Mademoiselle, lui dit la duchesse, je voudrois bien vous prier de me dire si les oiseaux ont des cornes ? — Oui, Madame, répondit-elle, les ducs (2) en portent. »
[ (1) On ne donnoit alors que la qualification de demoiselle aux femmes bourgeoises ; celle de madame n’appartenoit qu’aux femmes de qualité.(M.)]
[ (2) Madame de Retz étoit galante. (T.)]
La reine, oyant cela, se mit à rire, et dit à la duchesse : « Eh bien ! n’eussiez-vous pas mieux fait de me croire ? »
J’ai ouï faire un conte de la reine Marguerite qui est fort plaisant. Un gentilhomme gascon nommé Salignac, devint, comme elle étoit encore jeune, éperdument amoureux d’elle, mais elle ne l’aimoit point. Un jour, comme il lui reprochait son ingratitude : « Or çà, lui dit-elle, que feriez-vous pour me témoigner votre amour ? — Il n’y a rien que je ne fisse, répondit-il. — Prendriez-vous bien du poison ? — Oui, pourvu que vous me permissiez d’expirer à vos pieds. » — « Je le veux, » reprit-elle. On prend jour ; elle lui fait